Je comprends sous
ce nom des vases très différents, dont le lieu exact de fabrication
est encore incertain, mais que relient entre eux deux caractères: celui
d'appartenir à une poterie plus courante, d'utilisation journalière,
et celui d'avoir une commune et indéniable origine ionienne. Cet ensemble
englobe ce que P. Jacobsthal et E. Neuffer appellent la Poterie courante
ionienne, E. Price, Pots with simple decoration,
generally bands of black paint on the clay ground et Pots with
bands of paint on a white slip, H. Prinz, Grobe Tonware. Elle s'enrichit de plus à Histria de quelques fragments
appartenant à des fabriques qui ne me paraissent pas connues jusqu'à
ce jour.
Les restes de cette poterie trouvés dans nos fouilles
comprennent, ainsi que partout ailleurs, des amphores, des œnochoés,
des plats où assiettes, des coupes ou écuelles profondes. Comme à
l'Héraion de Samos et à Marseille, on emploie généralement pour le décor un rouge brun ou
rouge vif. Le noir qui n'est jamais franc, mais plutôt tirant sur le brun,
s'y rencontre aussi, beaucoup plus rarement. La tendance à employer
une couleur rouge, sensible dans toutes les séries d'Histria, s'affirme ici
plus qu'ailleurs. On a déjà pensé que cette tendance est samienne;
elle peut être aussi milésienne, comme nous le verrons plus loin.
En dehors de ces
caractères communs à d'autres fouilles, nos trouvailles présentent
deux particularités :
1. À l'encontre
de ce qui se passe d'ordinaire et notamment à l'Héraion de Samos, les
fragments de cette catégorie de vases, les amphores excepté, y sont relativement
peu nombreux. Cela tient-il à ce qu'ils ont été trouvés dans des sanctuaires
a Évidemment non, puisqu'on en a recueilli en grande quantité à l'Héraion
de Samos. Peut-être est-ce un signe de la prospérité de notre ville,
les riches marchands préférant les offrandes plus coûteuses? La proportion
restreinte des œnochoés et petits récipients de cette catégorie semble
autoriser cette conjecture.
Le second point
est l'importance que prennent dans cette catégorie les grandes amphores. Ces
vases qui se signalent par leur abondance et leur variété représentent plus
des trois quarts de l'ensemble des fragments. Tandis que leurs débris forment
des monceaux, à peine peut-on être sûr d'une centaine de
petits vases, coupes ou assiettes. Entre les deux, les œnochoés, environ
cent cinquante exemplaires occupent une place honorable quoique plus restreinte.
Les grandes amphores
n'ont été trouvées qu'aux temples B et C. Le temple dit d'Aphrodite n'a fourni que de rares fragments de poterie courante ionienne.
De plus. on ne rencontre parmi eux aucun vestige de grande amphore. Ces récipients
ne s'offraient dónc pas indifféremment à toutes les divinités.
Quelle peut être
la raison d'un tel choix? Ch. Dugas, remarquant l'absence de grands vases
à l'Héraion de Samos, explique ce manque par l'exiguité de l'édifice. Et son opinion.est confirmée par le fait qu'à Histria
les nombreux restes dont nous parlons, ont été précisément recueillis dans
les deux sanctuaires qui paraissent avoir été très importants. Si nous
ajoutons qu'à Délos et à Histria l'absence de grands récipients
se constate dans deux temples consacrés à des déesses, nous serons
peut-être bien près d'avoir trouvé la réponse. N'était-il pas
naturel d'offrir de préférence à une divinité féminine des objets en
rapport avec la toilette et la parure (vases à parfums, boîtes à
bijoux ou à fards) et de réserver les offrandes plus utilitaires aux
grands dieux? Il semble bien que les choses se soient passées ainsì
à Histria.
Les vases, sauf
de rares exemplaires semblent n'avoir jamais servi. Les offrait-on vides ou
simplement remplis de grains, blé ou orge, richesses de la contrée et qui
ne laissent aucune trace? On a parfois trouvé, au cours des fouilles quelques
grains de blé désséchés. Cela n'infirme ni ne confirme la seconde supposition.
Les récipients ont pu avoir été offert vides et neufs. D'ailleurs, il en est
certainement ainsi pour un grand nombre d'œnochoés de la même
catégorie. Or, ces vases de contenance moyenne n'auraient pas été remplis
de grains.
Il est infiniment
regrettable que nous ne soyons pas mieux renseignés sur la nature des deux
dieux auxquels ce genre de vases était offert. Nous ne savons encore rien
de celui du temple C. Le premier, celui du temple B, est probablement Apollon,
lé dieu tutélaire, patron de la ville. Nous n'avons pour l'identifier ' que
quelques indices, heureusement assez sûrs.
L'épithète
de « vaisselle ordinaire » que l'on donne parfois à la poterie ionienne
ne doit pas prêter à confusion. Les Grecs, à de très
rares exceptions près, soignaient leurs produits et cette catégorie
céramique est loin d'être méprisable. L'art y trouve sa place; le goût
et le soin apportés à la fabrication est une utile; i leçon. Chacune
des fabriques que nous signalent nos fragments se distingue par des qualités
particulières, très probablement voulues. Les unes par l'élégance
de la forme, par leur décor, par une sorte d'onctuosité de l'argile que l'on
ne retrouvera plus par la suite, attestent une origine dite «rhodienne». D'autres,
au contraire, claires et sans décor, d'une pâte sèche et dure, mettent
leur gloire dans la netteté comme métallique de leurs contours, le fini de
leur polissage. Certain atelier pousse à l'extrême cette ressemblance
avec le métal en recouvrant l'argile jaune pâle d'un engobe brun rougeâtre,
à reflets violacés, qui fait penser an bronze (
fig. 122). Telle autre enfin, d'une forme plus trapue, avec son col orné de
dessins géométriques, la bigarrure de sa panse. a quelque chose d'un peu étrange,
qui nous rappelle sa possible origine lydienne (
fig. 94). Ainsi, chaque fabrique s'affirme par des particularités que complètent
souvent des marques peintes ou incisées avant la cuisson:
Les œnochoés
ioniennes n'ont pas à Histria la valeur documentaire des grandes amphores.
Elles offrent le décor habituel constitué en grande partie par des bandes
circulaires sur la panse. Seule l'épaule se permet quelque fantaisie: zigzags,
traits ondulés, rosaces de points, grands S couchés. Les différences
que l'on constate entre les vases proviennent de la nature de l'argile qui
varie du brun au blanc presque pur.
Leur surface extérieure,
comme celle des amphores, est presque toujours soignée et recouverte d'un
enduit qui est soit une couverte légère, faite de terre plus fine, soit un engobe épais et blanc,
qui s'enlève comme une écaille et fait songer à cette pâte ayant
I consistance d'une coquille d'œuf, qui était une spécialité lydienne.
Quant aux coupes,
assiettes ou écuelles, leur décor est simple el et se compose presqu'uniquement
de bandes circulaires. En revanche, les argiles et les formes sont très
variées. Du gris au blanc, toutes les variétés de terres s'y rencontrent:
argile un peu grisâtre; argile rouge sur les bords, qui reste grise au milieu;
argile jaune pâle et bien cuite. Il y a enfin une argile presque blanche,
sur laquelle une couverte légère donne l'impression d'un épais engobe,
utilisés par une fabrique qui aime un rouge vif, d'un heureux effet sur le
fond blanc. À Histria, cette fabrique paraît spécialisée dans la fabrication
des coupes ou écuelles.
Les formes sont
aussi variées que les argiles. On trouve une grande diversité de profils,
depuis l'écuelle profonde jusqu'à l'assiette plate. Si le raffinement
d'un peuple se mesure à la diversité de ses besoins, c'est une preuve
de plus du degré de civilisation auquel étaient parvenus les Ioniens.
VASES DE GRANDE
CONTENANCE
A. -- LES GRANDES
AMPHORES
l. - Catégorie
recouverte d'un engobe blanc
Les grandes amphores
à engobe sont moins nombreuses et paraissent plus anciennes que celles
qui en sont dépourvues. Elles -gisent, en général - mis à part quelques
petits fragments amenés près de la surface par les remaniements du
terrain -, dans les parties profondes de la fouille. Elles sont les plus anciennes
et paraissent avoir été apportées à Histria peu après la fondation
de la ville, dans le troisième quart du VIIe siècle
avant notre ère.
Comme il se conçoit, à cause
de leur taille, ces grands vases n'ont été retrouvés qu'en fragments. Néanmoins
ce qui nous reste de cols, d'épaules, d'anses et de fonds et surtout plusieurs
grands fragments (
fig. 62,
63,
65) ont donné de suffisantes indications pour pouvoir reconstruire avec certitude
certains d'entre eux (
fig. 64, pl. I, en couleurs; cf.
fig. 66).
Les éléments de
forme que nous possédons montrent trois caractéristiques: la concavité du
col, la chute allongée de l'épaule, le diamètre très réduit
de la base. La ligne du contour est d'une seule venue jusqu'à la base,
sans pied apparent. Le fond du pied est plat ou légèrement creusé (
fig. 88 et 89). En aucun cas il n'est pointu, et je ne sais si ce svases méritent
vraiment le nom de « Spitzamphoren » que leur ont donné Dragendorff- et après lui H. Prinz. Le pied vraiment pointu appartient à une autre
catégorie d'amphores un peu plus récentes, sans engobe, et dont nous avons
trouvé un fragment d'un beau travail au même endroit (
fig. 88 b). Ajoutons à ces caractères principaux de nos
amphores leurs grandes dimensions, la longueur de l'anse qui, en raison de
la chute de l'épaule, doit aller chercher très bas son attache inférieure,
et l'existence invariable à l'embouchure d'un rebord arrondi comme
un rouleau.
On rencontre par
bonheur quelques amphores de ce type, et il est probable qu'il en existe encore
beaucoup d'autres dans les colonies de Milet. Les indications les plus précieuses
sont données par une amphore trouvée à Théra, un grand fragment provenant de Daphné seul publié parmi beaucoup d'autres, et une amphore complète
de Naucratis malheureusement d'un' dessin assez défectueux.
Ces amphores sont nombreuses à Naucratis et à Daphné, où on les trouve dans les couches archaïques,
ce qui leur assigne comme date le VIIe siècle. Il faut en
rapprocher pour le type du décor une amphore, de Caeré et actuellement au
Louvre, et une autre, trouvée aux environs de Marseille, maintenant au Musée de la Société archéologique de Montpellier.
On a également recueilli à Rhodes beaucoup de grandes amphores qui
sont apparentées ànotre groupe par la forme ovoïde de la panse
et par l'importance donnée au décor de l'anse. Les unes et les autres appartient à la même
famille grecque orientale.
Le décor de notre groupe d'amphores
à engobe offre des éléments qui prouvent que l'on se trouve en présence
d'une fabrique bien déterminée. Le principe de ce décor est la grande importance
accordée à l'ornementation de l'anse, avec l'emploi typique d'un ruban
vertical qui descend parfois assez bas sur la panse. Cette manière
de laisser pendre une ligne verticale et celle connexe de dépasser avec négligence
un trait horizontal sans se soucier des bavures qui en résultent, sont de
vieilles habitudes orientales que l'on retrouve chez les Mycéniens, les Chypriotes et en général dans toute la céramique grecque
orientale.
L'anse, à chacune de ses
attaches, est ornée d'un cercle formé par un large ruban peint (
fig. 86 d). Un autre ruban couvre la partie supérieure de l'anse et descend
sur la panse. Le rebord de l'embouchure est toujours peint. Le col n'a d'autre
décor que les cercles qui entourent la partie supérieure de chaque anse; la
partie antérieure est nue. Une bande circulaire marque la naissance de l'épaule.
Sur l'épaule le décor est constitué par un enroulement qui a la forme d'un
grand S couché, simple ou variant sur le même thème (
fig. 64). Sur la panse courent des bandes peu nombreuses, généralement quatre,
jamais plus de cinq, dont trois sont parfois groupées au-dessous des anses
et une ou deux plus bas. L'espacement des bandes sur la panse donne aux vases
de cette fabrique un aspect particulier qui les différencient du groupe, pourtant
si proche, de Rhodes. La bande de l'anse se prolonge jusqu'à la dernière
bande circulaire où elle se perd.
L'argile de ces
amphores est le plus souvent rosée avec des traînées grises, légèrement
micacée. L'engobe blanc est parfois épais et luisant d'une belle qualité.
La peinture est un noir brun, jamais un noir franc, qui est mat sur certains fragments, lustré sur d'autres. Sur beaucoup
de fragments la peinture est rouge selon une habitude courante à Histria.
Une d'entre elles porte une d lettre incisées (marque de propriétaire ou de
dédicant,
fig. 184).
La grande quantité
d'amphores de ce groupe trouvées à Naucratis et à Daphné - si
l'on peut, comme je le crois, se fier aux descriptions - leur confère
une origine ionienne certaine. Le fait qu'on ne les trouve ni à Vroulia,
ni à Rhodes en général, relié à celui de leur présence en nombreux
fragments à Histria rend fort probable l'attribution à Milet
de leur fabrication. Il semble bien que cette fabrique soit, à Histria,
une de celles dont l'origine milésienne est la plus évidente. Je pense aussi
avec Dragendorff que nous avons dans ces vases la première forme de
l'amphore à vin, qui sera en vogue plus tard, cette fois véritablement
pointue et véritablement rhodienne. Certains fragments très rares ont
l'intérieur grisâtre et appartiennent à des récipients qui ont certainement
apporté à Histria un bon vin de; Chios ou de Samos. Cependant, bien
qu'elles soient élégantes et d'une notable capacité, elles durent se révéler
peu pratiques. L'engobe nuisait-il au vin? La forme était-elle peu maniable?
Toujours est-il qu'à Histria, et bien qu'elles y figurent surtout à
titre d'offrande (voir p. 97), elles disparurent très tôt pour être
remplacées par celles dont nous allons parler plus bas.
Le fragment d'embouchure
n° bouchure de grande amphore. 10 (
fig. 70) fait présager à Histria l'existence d'autres fabriques usant
de l'engobe blanc. Nous espérons arriver à découvrir assez d'indices
pour pouvoir les caractériser un jour. D'ailleurs si, au lieu d'un compte
rendu de fouilles, on faisait une étude générale des grandes amphores, il
y aurait lieu de placer ici une catégorie intermédiaire où entreraient
l'amphore de Montpellier et celle du Louvre, qui tiennent de la première par la forme et le
décor, de la seconde par l'absence d'engobe. Mais, comme elles n'ont pas été
trouvées à Histria, on ne peut que les signaler ici.
II. - Grandes
amphores sans engobe
Les amphores sans engobe sont plus nombreuses comme il convient à
une catégorie plus ordinaire. Leurs formes aussi sont plus variées. Mais le
principe de leur décor reste le même que celui des amphores précédentes,
ce qui paraît déjà à priori, une preuve de leur commune origine.
Ce sont de grands
vases pansus, à l'épaule tombante, à base ètroite, avec
ou sans pied apparent, comme dans la catégorie dont nous venons de parler.
L'anse est plate, à profil ellipsoïdal. L'embouchure a un rebord
rond, de même forme, mais un peu plus accentué que précédemment. Le
col présente parfois un renflement caractéristique. L'argile est finement
micacée, rougeâtre à la surface qui paraît revêtue d'une mince
couverte et reste souvent grise dans l'intérieur. Dans cette catégorie, la
forme peut se modifier en partie, le col peut être plus ou moins renflé,
mais l'argile, la technique et le système du décor restent invariables.
De plus, on y constate l'emploi à peu près constant de marques
peintes avant la cuisson.
Le système de décor est
le même que précédemment : une bande peinte descend de l'anse vers la
panse où elle rencontre les bandes circulaires qui marquent la limite
de l'épaule; elle s'arrête à la bande inférieure, située sur
la panse. L'embouchure et la base du col sont soulignées par une bande peinte.
L'épaule a le même décor en forme de grand S couché.
Toutes les bandes
ont la même largeur sur le même vase. Mais cette largeur varie
d'un vase à l'autre, ce qui peut être le signe d'ateliers différents.
Sur certaines amphores, elle atteint quatre centimètres, tandis que
sur d'autres, elle est réduite à un mince filet. Il en résulte trois
types de décor:
1.
Décor
à mince filet (1 mm.): Types A1 et A2, cf. p suiv.
2.
Décor à bandes moyennes (un centimètre)
: Type B.
3.
Décor
à bandes larges (deux à quatre centimètres) : Type B.
Dans le cas où
la bande est large, on a l'impression que le décorateur pensait à un
ruban; ceci est sensible dans les figures 81 et 8.
Les
bandes et les filets peuvent être doubles. Un exemplaire porte un filet
noir allié à un filet rouge. Un autre montre de filet incisés au lieu
d'être peints.
Le décor en S ne se rencontre
jusqu'à présent que sur les amphores dont le décor est
à larges bandes et dont, l'épaule limitée par une seule bande. Celles
qui offrent un groupe de deux et trois bandes circulaires ont généralement
libre le champ de l'épaule.
Dans ce système
de décor, le col nu n'a plus même les deux cercles latéraux des amphores
à engobe blanc. En revanche, il porte une petite marque peinte en noir
mat avant la cuisson (voir
fig. 71). De plus on s'aperçoit, en regardant de près cette partie
des vases, qu'un décor variable y est souvent posé: ce sont des ornements
en rouge mat, peints après la cuisson, et presque complètement
disparus (voir
fig. 73, 76
et p. 115).
La matière employée pour le décor est un rouge
assez vif, mat. Par end roits, il devient noir ; il semble, au contraire de
ce qui se passe habituellement, qu'ici le rouge tourne au noir dans certains
cas. L'emploi d'un noir également mat est réservé aux marques. On ne le trouve
que très rarement employé pour les bandes à la place du rouge.
Les cols et fragments
de cols que nous possédons sont assez nombreux et caractéristiques pour que
l'on ait pu d'après eux distinguer trois types d'amphores. Ils ont
été reconstitués au trait, d'après les indications que donnent les
anses et leur attache sur l'épaule.
Type A1
Nous ne possédons
jusqu'à présent qu'un seul exemplaire de cette forme (p. 127, n° 1
et
fig. 72). Mais elle tient de si près à la suivante (
fig. 73) dont elle paraît être le prototype, que le fait d'être
un unicum à Histria jusqu'à présent me paraît être
absolument fortuit. Il est impossible qu'on n'en ait pas trouvé ou qu'on
n'en trouve encore soit à Milet, soit dans les colonies de Milet. Le
fragment n° 1 indique une chute d'épaule analogue à celle d'une grande
amphore de Théra (
fig. 90 c) ce qui permet de reconstituer sa forme générale. Le col
est très long et d'un galbe particulier. Le col des grandes amphores
à couverte blanche s'incurvait. Celui-ci est renflé et paraît le chef
de file d'une série d'amphores (
fig. 75) dont la fabrication semble se prolonger pendant le Ve
siècle.
L'argile est rosée,
plus rouge à la surface, avec quelques traînées grises, bien cuite.
Le col a le même rebord arrondi que dans la série à couverte
et n'a pour ornement que la peinture du rebord et une marque posée sur chaque
face et au milieu du col.
Le décor obéit
au même principe que celui des amphores à couverte: bande sur
l'anse descendant et retrouvant les bandes circulaires de l'épaule et celle
de la panse. Ce fragment utilise le système de décor à filets
et emploie une couleur brun mat, parfois rougeâtre. D'après la longueur
du col et la forme générale, le vase devait avoir approximativement de 0m
80 à 0m 90 de hauteur.
Type A 2
Ce type n'est
guère qu'une variante du premier; parce que plus courant, il paraît
être le type normal.
A 1 ne diffère
de A 2 que par la longueur du col. Les autres caractéristiques sont identiques
: même renflement du col, même bord rond à l'embouchure,
même anse à coupe ellipsoidale, même chute rapide de l'épaule,
même type de décor employant le rouge brun mat, même préférence
pour les raies fines qui sont la règle dans les deux cas. On en a trouvé
de nombreux fragments qui, d'après les circonstances de la fouille,
montrent que la vogue de ces amphores à Histria correspond aux premières
années du VIe siècle.
Comme le vase
du type A 1, elles portent des signes que l'on peut généralement interpréter
comme des marques de fabrique (voir p. 212). Ces marques sont peintes, en un noir épais et
mat, et posées avant la cuisson. On en distingue plusieurs dans cette catégorie:
marque au cercle, aux deux cercles, aux trois cercles, avec ou sans point
central (voir chap. VII,
fig. 178 à 181).
Ainsi que nous l'avons déjà
dit pour le type A 1, le lieu de fabrication de ces vases est sans doute Milet
et il est probable qu'on doit les rencontrer en bien des points du monde antique.
C'est ainsi que j'ai trouvé au Céramique d'Athènes un fragment d'embouchure
appartenant à une amphore identique à celles du type A 2 (même
argile, même forme, même décor). Á Histria, la valeur d'offrande de ces vases est affirmée
par le caractère dont nous avons déjà parlé et sur lequel nous
reviendrons plus loin, c'est-à-dire la présence d'un signe ou ornement
de fantaisie qui s'ajoute à la marque habituelle. Des restes de ces
signes, devenus à peu près indiscernables se rencontrent sur
presque tous les fragments trouvés, ce qui prouve une habitude constante.
Autres formes
Certaines embouchures
d'amphores montrent, - quoique très dégénéré, - la persistance du type
à col renflé (
fig. 75 et
195) Les amphores de ce type paraissent plus tardives, sans dépasser de beaucoup
le milieu du Ve siècle. Leur technique est inférieure à
celle des précédentes, mais l'argile est la même. On n'a trouvé de ce
groupe que les quelques fragments d'embouchure que nous signalons ici.
Type B
Le second type est d'une forme beaucoup plus courante. Il diffère
des précédents par l'argile qui est rouge à noyau gris bleu, et par
la forme qui comporte un col plus court et sans renflement, un rebord parfois
rond, mais plus volumineux que précédemment (
fig. 77), parfois plat et débordant (
fig. 78), une ligne d'épaule plus proche de l'horizontale, donc des anses
plus courtes. L'ensemble dénote une forme plus trapue. Comme telle, elle se
rapproche de certains types trouvés à Samos et à Théra, et en général de celle des amphores
ioniennes de dimensions moyennes. Mais quelles que soient les particularités
de la forme, le décor obéit au même principe que précédemment. La seule
nouveauté consiste dans l'emploi de la bande large et d'un décor sur l'épaule,
S ou enroulement.
De même
que sur les amphores du type A 2, on trouve souvent sur le col des marques
peintes d'un caractère particulier. Les deux cols les plus complets
nous ont donné deux ornements, l'un en forme de croix (
fig. 76), rapidement tracé, peint avant la cuisson, - ce qui est rare, l'autre
(
fig. 78 et
79) un décor de trois feuilles renversées. Sur presque tous les autres fragments
on distingue encore des traces de peinture rouge posée après la cuisson.
III. - Nature
des signes particuliers à ces amphores
Tout d'abord ils
ne sont pas des marques de fabrique (cf. p. 211), puisqu'ils s'ajoutent à
celles que l'on doit bien souvent interpréter comme telles ; ils ont donc
un autre but. D'autre part, ils ont un caractère hâtif, soit par le
fait qu'ils sont peints après la cuisson, soit parce que leur exécution
est rapide et souvent négligée. Leur caractère surajouté est sensible
même dans la décoration la mieux exécutée, celle de la figure aux trois
feuilles renversées. Pour rendre le décor. plus visible, on a cerné les contours
et répandu sur la surface une sorte d'enduit qui ressemble à un lait
de chaux et que l'on du nom d'engobe. Ces constatations nous conduisent à
l'explication qui semble la plus probable. On se souvient de l'interprétation
que Cecil H.Smith a donné de certaines inscriptions des vases de Naucratis:
Jacobsthal et Neuffer, Gallia Graeca, II, p.
8.
E. Price, East Greek
Pottery, groupes II A et II B, p. 3 et 5
Prinz, groupe II: Grobe Tonware, p. 84 – 87.
Technau, p. 30, et Jacobstahl et Neuffer, ouvr.
cité, p. 10
D. G. Hogarth, Pottery
of Asia Minor, dans
CVA, Classification 7, p. 5.
Dragendorff, Thera, II, p. 229.
Dragendorff, Thera, II, p. 228, fig. 425 c
Flinders Petrie, Tanis, II, pl. 36, n° 5
Naucratis, I, p. 23; Thera, II, p. 229.
E. Pottier, Vases antiques du Louvre, I, pl.
30 D 40 ; Jacobstlial et Neuffer, Gallia Graeca, p. 10, note 1 et
fig. 2.
Clara Rhodos, III, pl. III, tombeaux CXXXVI,
CIX, CXII, CXLII CXXXIV, CXXXIX, CXI, LXXXI, CXVIII, CXXXI, CII, XCV, CXII,
CXIV, CV, CXXX, etc
Voir par exemple le vase sumérien de Kofajè,
Ill. London News, 14 sept. 1935; l'amphore mycénienne (L. M. III)
de Munich, Jacobsthal, Ornamente, pl. I I b, p. 21 ; Vroulia,
pl. 25, 10 et pl. 39, 11, 6
Voir, par exemple Clara Rhodos, III, pl. III,
CXXXVI.
Je n'ai malheureusement pas de renseignements sur
leur présence ou non à Milet même. Mais il est vraisemblable
d'y supposer l'existence.
Jacobsthal et Neuffer, Gallia Graeca, p. 2
E. Pottier, ouvr. cité, pl. 30, p. 40
Thera, II, p. 228, fig. 425 c; forme analogue dans
Naucratis, I, pl. XVI, 4 (à l'exception du col).
Cf. Naukratis I, pl, XVI, 7.
1 Cf. le n° 5 de la description (p. 129) pour la signification
de ce motif.