Rectifications
                         Bibliographie
                         L'aigle au dauphin
                         Le golfe et la ville antiques
                         Date du mur d'enceinte de la ville et culte d'Apollon
                         Restes de la ville primitive
                         Les dépôts
                         Fabriques locales et vases indigènes
                         Limites de cette étude
                         Les argiles
                         Le terme de «rhodien»
                         Engobe et couverte
                         Le fragment d'Athènes
                         Les vases-couronnes
                         Amphore au lotus à rinceaux
                         Fikellura et le style géométrique d'Asie Mineure
                         La fabrique de Phocée
                         Description des planches
                         Fragment au serpent
                         Les vers d'Homère

APPENDICE

 

 

            En terminant ce volume, je tiens à exprimer mes remer­ciements à notre collaborateur aux fouilles, M. Émile Coliu, dont le concours dévoué et la compétence m'ont été très précieux.

 

*

*           *

 

            On trouvera dans cet Appendice tous les détails qui auraient alourdi le texte. I1 m'a paru utile de formuler certaines hypo­thèses en rapport avec les problèmes qui se sont posés au cours des fouilles et dont la discussion pourra éclaircir certains points douteux - éclaircir, mais non résoudre. En général, les idées énoncées suggèrent plutôt qu'elles n'affirment; elles sont pro­bablement transitoires comme il est de règle en archéologie.

 

I

 

            Rectifications (p. 15). - Une plus grande connaissance de la cé­ramique d'Histria m'impose des rectifications à certaines affirma­tions de l'article paru dans Dacia, III-IV, 1927-1932, p. 362 et suiv.

1.      Je n'ai pas rencontré à Histria de céramique pouvant re­monter au delà du VIIe siècle. Quelques fragments qui me parais­saient alors plus anciens s'intègrent fort bien dans des séries plus tardives.

2.      Je ne considère plus comme appartenant à une période de décadence le décor au pinceau, dont je n'avais vu que des ' exemplaires peu soignés - mais bien comme un procédé ancien, expression d'une technique particulière, qui arrive à produire de très heureux effets.

            J'ai pu constater également que la tendance du noir à prendre une teinte brune ou marron est, si je puis dire, un «fait» grec oriental constant.

 

II

 

            Bibliographie. - A l'exception d'un court article paru dans Dacia, III-IV, 1927-1932 (cf. plus bas), la céramique d'Histria n'a pas encore été étudiée jusqu'à présent. Vasile Pârvan y a consacré quelques lignes dans son Rapport sur les fouilles de 1915 (Raport asupra activitãþii Muzeului Naþional de Antichitãþi în cursul anului 1915, Bucuresti, 1916, p. 24-26 = Anuarul Comi­siunii Monumentelor Istorice pe 1915, p. 194-196). Un choix de tessons appartenant aux séries archaïques rhodo-ioniennes a été donné par l'auteur du présent volume : M. Lambrino, La cérca­mique d'Histria. Séries rhodo-ioniennes, dans Dacia, III-IV, (1927-1932), p. 362-377. Les résultats généraux des fouilles ont été publiés en partie par Vasile Pârvan dans le Jahrbuch, 1915, Anz., col. 253-270 (compte rendu sommaire, accompagné de figures et d'une carte) ; Histria IV, dans les Anal. Acad. Rom., Mem. Secþ. Ist., IIe série, t. XXXVIII (1916), p. 533-732 (soi­xante et une inscriptions grecques et romaines) ; Histria VII, dans les mêmes Mémoires, IIIe série, t. II (1923), p. 1-132 (soixante et une inscriptions). Cf. les études générales de V. Pârvan, La pénétration hellénique et hellénistique, dans le Bull. de la Sect. Hist. de l'Acad. Roum., t. X (1923), p. 23-47, I primordi della civiltà romana alle foci del Danubio, dans Ausonia, t. X (1921), p. 187-209, et Dacia, an outline of the early civilizations of the car­patho-danubian countries, Cambridge, 1928, 82 et suiv. Sur les résultats des fouilles plus récentes, voir: S. Lambrino, Deux types monétaires d'Histria, dans Aréthuse, 1930, p. 101-108; Fouilles d'Histria, dans Dacia, I I I-IV (1927-193 2), p. 378-410; La destruction d'Histria et sa reconstruction au IIIe siècle après J.-C., dans la Revue des Études Latines, XI (1933), p. 457-463; Les tribus ioniennes d'Histria, dans Istros, I (1934), p. 117-128; La famille d'Apollon à Histria, dans Αρχ. Έφημ., 1937.

 

 

 

III

 

            L'aigle au dauphin (p. 12). - Le type monétaire le plus carac­téristique d' Histria porte au revers un aigle marin enlevant un dauphin. Si les dauphins se voient encore de temps à autre à 55 km de là, dans les eaux de Constantza, ils n'ont plus accès à Histria. Par contre, l'aigle marin survole toujours le rivage per­pétuant ainsi en partie les images d'un lointain passé.

 

IV

 

            Le golfe et la ville antiques(p. 12).

            Le golfe. - Le banc de sable qui sépare actuellement le lac Si­noé de la mer est devenu un lieu couvert de bergeries et où pais­sent des troupeaux. Il est probable qu'à l'époque des Grecs ce banc, bien qu'il fût loin encore d'affleurer, séparait déjà de la haute mer les fonds proches du rivage et créait un régime plus paisible.

            Une preuve, entre autres, de la proximité ancienne de la mer vient de la présence dans les fouilles profondes de coquilles d'huîtres et de moules. Ces dernières sont les grandes moules de la Mer Noire, analogues à celles de la Méditerranée. Comme à Lindos et à Vroulia, l'établissement grec archaïque se signale ici aussi par des monceaux de coquillages.

            La ville. - Comme on le voit à la fig. 1, ; eule une petite par­tie de la ville antique est fouillée. Des chantiers nouveaux, dont un se distingue nettement au centre de la figure, ont été créés par nous. Les fouilles entreprises en A, B, C par V. Pârvan ont été con­tinuées et agrandies. C'est en B et en C que nous avons trouvé la majorité des vases. En dehors du terrain visible sur la photo­graphie, la ville s'étendait à l'Ouest. Il semble, d'après les frag­ments recueillis, que dès le début du VIe siècle la ville occupait une superficie déjà considérable (environ 30 hectares).

            L'Acropole. - Le terme ne devient exact qu'à partir de l'épo­que romaine. Les Grecs du VIIe siècle n'ont pas connu d'Acropole. Tout , au plus y avait-il une petite platef orme rocheuse, correspon­dant à la pointe extrême (coupée sur la photographie, fig. 1) qui s'avance dans le lac et affleure à la surface de la partie non fouillée. C'est l'agglomération et l'importance des édifices qui ont créé petit à petit l'élévation présente. Il est évident que la partie actuel­lement surélevée a été le lieu du premier établissement, et est restée le coeur de la ville, le centre religieux et administratif. C'est pourquoi le terme de ville civile, employé d'abord par V. Pârvan, convient bien à la partie Cuest de la ville.

            Temple d'Apollon (p. 97). - L'ensemble des constructions composant le groupe B paraît faire un tout. Si l'on réunit les indices obtenus au cours des fouilles, il semble qu'à l'époque archaïque il existait un temple, probablement sous l'emplacement où se trouvent actuellement des restes de pavement en briques appartenant à un ; basilique chrétienne. À la même époque, on peut déjà, par la découverte d'offrandes propres aux déesses: vases-statuettes à parfums, vases-couronnes, prouver l'existence d'une divinité féminine. À l'Epoque hellénistique, le temple semble s'être déplacé et agrandi. L'existence du culte d'une uue de plusieurs divinités féminines s'y affirme plus encore.

C'est en B que l'on a trouvé les grandes amphores les plus anciennes et les plus typiques, celles à engobe blanc. I1 semble donc que ce temple ait été un des premiers construits, peut-être même le premier. Il est à priori logique de supposer qu'il était consacré à Apollon, le Dieu de la Métropole.

Le témoignage des fouilles apporte des indices qui peuvent confirmer cette supposition: c'est d'abord l'abondance des coupes semblables à celles qui, à Naucratis, étaient offertes en grand nombre à l'Apollon des Milésiens. Mais c'est surtout la trouvaille d'une petite jambe votive en terre cuite qui indique l'offrande à un dieu guérisseur. Ce dernier témoignage de la fouille convient parfaitement à ce qu'on sait du culte d'Apollon Iétros à Histria. C'est pourquoi on est fondé à voir dans ce groupe de construc­tions le temple du grand dieu de la ville.

            Il aurait été utile de savoir, si ce type de grands vases figure à Naucratis parmi les offrandes faites à l'Apollon des Milésiens. Des amphores analogues aux nôtres sont bien signalées à Nau­cratis, mais trouvées dans la ville. De sorte que si l'on peut en inférer qu'il est très probable qu'elles ont été fabriquées à Milet, elles ne prouvent rien quant à la nature de la divinité:

            Temple d'Aphrodite (p. 96). - Je conserv e ici l'appellation séduisante donnée à ces quelques débris de constructions par V. Pârvan, sans partager absolument son opinion. V. Pârvan s'était arrêté à ce nom en raison de la découverte de Sirènes et de Korés ioniennes, d'aryballes corinthiens, de plats  «rhodiens».

            Contre l'interprétation de Pârvan, nous avons le fait que des fragments de statuettes et de vases analogues ont été également


trouvés en B, qui paraît un temple consacré à Apollon. Pour l'interprétation, nous avons la nature des offrandes qui, en dehors des vases-statuettes et des vases à parfums, comprend des objets exotiques comme un scarabée (probablement de la fabrique établie à Naucratis même) et une abondance de vases naucratites qui sont surtout des pyxis et des phiales. Le nombre des petits objets, en contraste avec celui des grandes amphores, indique évidemment une divinité féminine. Nous savons qu'Aphrodite était vénérée dans les ports (íl existe une Aphrodite Ilc,uevía). La situation du temple tout au bord de l'eau atteste qu'il doit être celui d'une déesse secourable aux navigateu.rs. Ce peut être Aphrodite, ce peut être aussi n'importe quelle autre déesse of­frant un caractère tutélaire.

 

 

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            Sur ce chapitré de l'attribution d'un temple à tel ou tel dieu je tiens à préciser que si j'ai cru pouvoir établir un critérium basé sur la nature des offrandes (petits vases en rapport avec la toi­lette pour les déesses, variété plus grande comprenant de grandes amphores pour les dieux) c'est sous toutes réserves. Le résultat des dernières fouilles du Ptoïon (P. Guillon, Les terres cuites du temple de la terrasse supérieure de Castrioti, dans BCH, 1936, p. 11 et suiv), où l'on trouve l'exemple d'un dieu qui reçoit les of­frandes consacrées en général aux déesses, nous enseigne à cet égard la prudence.

 

V

 

            Date du mur d'enceinte de la ville et culte d'Apollon (p. 14). ­La date du mur romain d'enceinte a été établie par S. Lambrino au plutôt à l'époque du règne de l'empereur Probus (La destruc tion d'Histria et sa reconstruction au IIIe siècle ap. J.-C., cité plus haut, Appendice II). En effet, on a trouvé dans la première rangée de pierres au-dessus du soubassement une inscription datée de 246 ap. 'J.-C. I1 en résulte que la ville gréco-romaine a été dé­truite pendant la grande invasion des Goths (248-251) et, comme la série des empereurs attestés par les monnaies ne reprend qu'avec Probus, le mur d'enceinte qui est sorti des fouilles ne semble pas lui être antérieur.

            C'est au même auteur que nous devons des précisions sur le culte d'Apollon (Deux types monétaires d'Histria et La f amille d'Apollon à Histria, cités plus haut, Appendice II). Les monu­ments qu'il étudie montrent que, à côté d'Apollon Iétros, dieu éponyme de la ville, les Histriens adoraient Zeus Polieus, Latone et Artémis. Ce groupe de divinités nous fait comprendre que les Mílésiens ont fondé Histria sous l'inspiration de l'Apollon de Didymes. Au, IVe siècle av. J.-C., le sanctuaire d'Apollon Iétros d'Histria possédait un temple en marbre, deux statues en bronze, celle d'Apollon et celle de Latone, et un édifice orné d'une frise où étaient figurées les quatre divinités.

 

VI

 

            Restes de la ville primitive (p. 14).-I1 n'y a plus trace des murs grecs et ceci est aisé à comprendre. Avant les Romains, les Grecs surent déjà adapter leur architecture aux ressources constructives; du pays où ils se trouvaient. Là où la belle pierre était rare ils la réservaient, comme ils ont fait à Histria, au soubassement de leurs édifices. Les murs étaient en terre mêlée de paille, matériel encore employé dans tout l'Orient, qui correspond au pisé des Égyptiens et que l'on nomme ici kirpitch. Les colonnes de­vaient être de pierre - on trouve des carrières non loin de là ­I ou de marbre apporté d'Asie Mineure ou des îles grecques. Donc colonnes et pierres de soubassement devraient se retrouver. Il n'en est rien. Seule, jusqu'à présent, une partie du soubassement du temple d'Aphrodite a été mise au jour. Cela s'explique par les remaniements successifs, l'emploi de la pierre dans les murs d'en­ceinte et les déprédations anciennes des habitants des villages voisins. Si le soubassement du temple d'Aphrodite est resté, c'est probablement parce que, situé près du rivage, il était déjà recouvert de sable au moment des grandes destructions de la ville. Mais ce cas est jusqu'à présent unique à Histria. Pour le reste des premiers établissements l'incertitude domine. Il est bien souvent malaisé de savoir si tel amas de terre jaune est un mur écroulé ou un terre-plein factice. Quelques minuscules fragments de crépi, s'ils prouvent l'existence de murs, ne suffisent pas à indiquer leur emplacement ou leur direction exacte.


 

VII

 

            Les dépôts (p. 17). - Ces curieuses excavations étaient situées dans l'enceinte du temple B, à quelque distance d'une construction qui pouvait être une chapelle votive. À cet endroit, on n'avait recueilli que quelques débris de vases d'époque hellénistique, lorsque à trois mètres environ de profondeur, on rencontra une couche compacte de terre jaune. Elle offrait une résistance inac­outumée probablement parce que battue et pilonnée dans l'anti­quité. Sous cette couche, on trouva d'abord le dépôt a, le plus riche des trois ; puis, séparés par la même terre argileuse, les deux autres dépôts.

            Inventaire du dépôt a. - J'énumère ici à titre de curiosité les fragments les plus importants trouvés dans le dépôt a, suivant l'ordre de leur découverte.

            Coupes des petits maîtres et « Droop cups ».

            Fragments de vases camiréens : amphores, oenochoés, plats et ­coupes.

            Fragments de vases-couronnes. Fragments de style de Naucratis.

            Fragments d'os travaillé, dont une tête de bélier.

            Fragments d'amphore de la technique à la brosse (fig. 92, 93 et 94).

            Fragments de bols à oiseau et à rosaces ponctuées. Fragments de coupes ioniennes à raies y compris la catégorie fine à décor de filets rouges. ­

            Fragments de grande amphore à engobe blanc et à décor rouge.

            Fragments d'oenochoé à vernis noir et à ruban polychrome. Une oenochoé recouverte d'un vernis rouge à décor blanc i:. (raies et zigzags sur le col).

            Fragments de deux aryballes corinthiens. Fragments d'amphore avec marque au pouce.

            Œnochoés avec l'épaule ornée de rosaces ponctuées (fig. 110, '111 et 112).

            Fragments d'une argile jaune ocre, recouverte d'un vernis brun violacé (fig. 122).

            Fragments d'œnochoé, recouverts de vernis noir avec inci­sions et retouches de rouge (fig. 255).

            Fragments d'une argile presque blanche à couverte grise (fig. 256 a et b).

            De nombreux fragments de bucchero gris.

            Un très be.au fragment de bucchero noir « étrusque ». Fragments de vases en bucchero grossier.

            Fragments de vases d'argile gris clair.

            La grande majorité des vases montre des trous de suspension. Le fond, quand il existe, est percé.

 

VIII

 

            Fabriques locales et vases indigènes (p. 18 et 20). - Au sujet des fabriques locales un fait est à noter: on n'a pu m'indiquer dans la région un lieu propre à fournir de la terre à potier. Dans le village le plus important du voisinage (à 25 km. des fouilles), les poteries vendues au marché viennent de Bessarabie.

            À la question des fabriques locales se rattache celle des vases indigènes Dans l'énumération des objets trouvés dans le « puits carré », V. Pârvan signale ainsi certains vases : «In the quadran­gular well which lies to the south east of the acropolis at Istria we have found, side by side with pure greek vases of the sixth century, fragments of very large native vases. There are in the form of pithoi, made by hand out of a very coarse clay, badly kneaded and badly baked. They are decorated with large hori­zontal circles in relief, covering the vases like the hoops of a cask, while the lines themselves are broken by small oblique notches in imitation of large hempen ropes» (Dacia, an outline, p. 92). Je n'ai pas vu les vases dont parle le regretté savant et ne puis donc avoir d'opinion à leur sujet. Le fait étant d'importance, il est nécessaire de préciser ici que, si nous avons trouvé quelques rares fragments de vases, qui semblent bien correspondre à la description de V. Pârvan, ils sont grecs et, qui plus est, « rho­diens » par l'argile (noyau gris-bleu et bord rouge; cf. Appendice IX).

 

IX

 

            Limites de cette étude (p. 24). -Afin de respecter les dimensions prévues pour ce volume, j'ai dû limiter le sujet et laisser de côté certaines séries. Dans les vases à reliefs, je me suis bornée à quelques spécimens en rapport étroit avec les séries étu­diées ici. J'ai dû laisser de côté les vases-statuettes ainsi que cer­tains fragments de pithoi à reliefs, précisément ceux dont il est question à propos des vases indigènes au n° VIII de l'Appendice. Ces derniers font en effet partie d'une série qui dépasse de beau­coup, dans le temps, l'époque archaïque étudiée ici.

            Une raison semblable m'a fait réserver l'étude du bucchero. Car, si certains exemplaires sont sûrement archaïques, il est dif­ficile de mettre une date précise sur la majorité des fragments, puisque la technique reste la même pendant des siècles. L'or­nement typique du bucchero archaïque - la bande ondulée qui semble exécutée avec un peigne - vieux procédé oriental que l'on trouve déjà dans le style élamite (cf. CVA, Musée du Louvre, fasc. 3, pl. 14, 2 = France 145) est toujours en usage à l'époque romaine et devient banal chez les Byzantins. C'est encore un or­nement courant dans la poterie fabriquée actuellement én Rou­manie. La catégorie doit pouvoir être traitée dans son ensemble, ce que je ne pouvais faire ici.

            J'ai laissé également de côté les fragments de vases de Clazo­mènes que nous possédons. Ils sont par leur nature beaucoup plus proches des séries corinthiennes et attiques et seront étu­diés en même temps.

 

X

 

            Les argiles (p. 26). - Il me semble qu'on peut parvenir à mieux saisir les origines en attachant plus d'importance aux argiles. Les styles s'imitent, mais la nature d'une argile qui se modifie plus difficilement est un critérium assez sûr. Je sais bien que la cuisson arrive à transformer l'aspect de l'argile. Mais on par­vient assez facilement à reconnaître les différents aspects d'une même argile.

            Décor mat. - On ne doit pas accorder trop d'importance au fait que le décor rouge ou noir est parfois mat. I1 se peut que le lustre disparaisse au cours du séjour dans la terre. J'ai con­staté que sur un même vase les fragments rapprochés sont parfois lustrés, parfois mats, les uns et les autres n'ayant pas été soumis aux mêmes actions souterraines. C'est pourquoi il m'a semblé peu fondé de distinguer une classe de vases à décor mat et une classe à décor lustré. Dans les vases trouvés jusqu'à présent le noir mat est une habitude constante pour les marques au cercle, mais il faudrait beaucoup plus d'exemples - bien que la même particularité se rencontre sur une amphore de Théra ( Thera, I I, p. 228, fig. 214, 425 b) - pour l'ériger en règle.

 

XI

 

            Le terme de «rhodien» (p. 29). - Ce mot désigne plutôt un style qu'une origine. Il comprend le groupe de fabriques dont les produits ont été désignés sous le nom de «rhodien», «rhodo­-ionien»,  «milésien»,  «rhodo-milésien», o «camiréen». Sans guil­lemets, le mot rhodien mdique une origine locale de l'île de ! Rhodes. Cette distinction est rendue obligatoire par l'indécision actuelle de la terminologie. Elle a été établie en 1922 par D. G. Hogarth, CVA, Classification 7, p. 7, et devient courante (cf. R. M. Cook, Fikellura Pottery, dans ABSA, 1933/34, p. 2, note 1).

 

 

 

XII

 

            Engobe et couverte (p. 30). - I1 est nécessaire d'établir une distinction entre les deux manières de recouvrir la surface d'un vase: adjonction d'un enduit ou emploi d'une couche qui semble

être faite d'une argile plus épurée. Au premier nous réservons le nom d'engobe pour le différencier du second que nous appellerons couverte.

            Le premier se distingue nettement de l'argile, même quand il en a la couleur; étant donné sa composition différente, il peut s'écailler facilement. I1 arrive souvent que le céramiste l'applique au pinceau (fig. 62). Il acquiert dans certains cas une consistance semblable à celle de l'émail (fig. 266a).

            La couverte peut être plus ou moins épaisse, plus ou moins lustrée - parfois très lustrée - mais elle ne présente pas cette différence de nature avec l'argile qui me paraît caractériser l'en­gobe. I1 me semble que tous les vases «rhodiens» et presque toutes les catégories grecques orientales indéterminées qui n'utilisent pas l'engobe, emploient la couverte: les bols ioniens, les coupes ioniennes, les grandes amphores sans engobe, les vases-couronnes, sont revêtus d'urie couverte parfois très micacée. L'existence d'un engobe ou d'une couverte se rencontre également dans la technique à la brosse (cf. plus haut, p. 140). La couverte est bien souvent à peine discernable. Quelquefois, au contraire, elle est très visible. Elle est en général de la couleur de l'argile, mais d'un ton avivé par le lustrage.

            I1 va sans dire qu'entre les deux il existe des enduits qui ne sont ni tout à fait l'engobe ni tout à fait la couverte. Certains engobes doivent contenir de l'argile puisqu'ils sont souvent micacés et par ailleurs certaines couvertes sont très lustrées. Mais, en général, la différence entre eux est très nette.

 

XIII

 

            Le fragment d'Athènes (p. 113). -Trouvé au Céramique. Le fragment gisait sur le bord de la voie principale, probablement tombé du remblai dans un lieu fouillé depuis longtemps.

            La présence de ce fragment au Céramique montre que, le cas échéant, ces amphores avaient une destination funéraire. C'est ce qui arrive d'ordinaire avec les grands vases, mais il est intéressant de le constater ici. Car, s'il est bon de noter en passant cette destination funéraire, il faut remarquer qu'elle ne s'applique pas à nos fragments qui ont été trouvés en majorité au temple B.

            Ce genre d'amphore n'a pas encore été signalé à Athènes. I1 n'en existe aucun vestige au Musée du Céramique, ni au Musée National des Antiquités, ni à Eleusis. Sa rareté, - car, s'il est vraisemblable de supposer l'existence d'autres fragments dans la capitale de l'Attique, ce ne peut être qu'en très petit nombre - indique une provenance étrangère, partant peu courante à Athènes.

 

XIV

 

            Les vases-couronnes (p. 205). - Le fait que l'on n'a pas trouvé à Histria de vases-couronnes verticaux et à pied annulaire ne semble pas dû au hasard. Cette sorte de vase paraît être, à Rhodes, une imitation du vase-couronne corinthien. Kinch ( Vroulia, p. 46) pense que la forme verticale est très probablement rhodienne. Le type horizontal et trapu que l'on trouve à Histria est une spécialité de la Grèce d'Asie et vraisemblablement de Milet. Si nous pensons à Milet plus qu'à une autre ville, c'est

qu'il est dans l'habitude des grandes cités commerciales de pro­duire des parfums et de les exporter dans des vases de leur fabri­cation, - témoin les fameux aryballes de Corinthe.

 

XV

 

            Amphore au lotus à rinceaux. - A propos de la forme ronde ~ie l'élément central de notre lotus (fig. 205 à 207), l'opinion exprimée par F. Johansen (Les vases sicyoniens, p. 223-224) mérite d'être mentionnée. L'auteur croit que, lorsque la partie médiane de la fleur est en forme de massue, nous avons la preuve d'un emprunt I; à la fleur de lys. Or, ce centre en forme de massue est précisément celui que nous avons dû restituer à notre lotus d'après les éléments semblables fournis par les boutons et d'après l'in­dication donnée par le début de l'élément central de la fleur. Devons-nous vraiment croire qu'on a voulu représenter un lys sur notre amphore? Ou plutôt penser que nous avons ici un exemple de la confusion qui a dû régner très tôt entre les deux motifs? Ce dernier point de vue semble le plus probable.

 

XVI

 

            Fikellura et le style géométrique d'Asie Mineure (p. 316). ­On a reconnu depuis longtemps l'existence d'un style géo­métrique presqu'uniforme en Asie Antérieure (voir, en parti­culier, E. Pottier, Notes sur les poteries rapporté-s du Caucase, Mém. de la Soc. des Antiq. de France, LX, 1901, p. 11, et suiv.; pour l'interprétation du style géométrique de l'Asie Antérieure, voir du même, Mém. de lz Délég. en Perse, XIII, 1912, p. 27, et Mélanges Glotz, 1932, p. 7%8 et suiv.; cf. aussi Ch. Dugas. Les vases « rhodiens-géométriques », p. 520 et suiv.).

            Le décor des vases de Fikellura et de Naucratis (p. 299 et 314) lui emprunte des éléments essentiels. J. L. Myres écrivait en 1903: «the caracteristic motives of the Milesian ( Rhodian) repertory are of themselves of Anatolian and presumably of Cappadocian origin» (Journ. of the Anthrop. Inst. of Great Bri­Britain and Ireland, XXXIII, 1903, p. :307; cf. Price, Pottery of Naucratis, p. 207). Cette opinion s'applique particulièrement aux deux style précités. Deux, entre autres, des éléments les plus caractéristiques du style géométrique d'Asie Mineure - éléments que l'on trouve déjà dans le style élamite - sont le treillis (ou grillage) et le losange (ou carré) orné d'un treillis. L'important rapprochement que fait Jacobstahl (Gallia Graeca, p. 15) entre l'existence du décor à claire-voie et le système réticulé paraît confirmer ce que j'ai dit concernant l'origine des vases de Fikellura.

            Une preuve de l'ancienneté de ce décor réticulé est fournie par un vase à long bec (British Museum Quarterly, XI, 1937, pl. XLIII a), trouvé à Tépé-Sialk, près de Kashan (Iran), sur l'épaule duquel le décor est constitué par un grand panneau en forme de losange; l'intérieur du losange est quadrillé et chaque carré contient un point. Le vase date du XIIe ou du XIe siècle avant notre ère (ibidem, p. 157). Son décor est très proche de celui trouvé à Éphèse (C. Smith, dans D. G. Hogarth, Excav. at  Ephesus, p. 229, fig. 56, reproduit dans notre fig. 341, n° 10).

            L'emploi de ce décor réticulé ne peut être que le fait d'un groupe d'ateliers ou d'une région très imprégnée des traditions de l'art géométrique d'Asie Mineure. Or, il appartient en propre à Fikellura.

            Quant au motif du carré ou du rectangle, simplement orné de diagonales, sans autre décor intérieur, iI est commun en Asie Mineure. On le trouve entre autres sur un fragment de Marseille (Vasseur, pl. V, n° 13), qui doit provenir de Phocée - sans être pour cela phocéen; sur des fragments d' Histria non publiés, sur beaucoup de fragments d'Éphèse. Rappelons à propos de ces derniers l'opinion de Cecil Smith (Excavations at Ephesus, p. 219) qui confirme notre thèse: «A further characteristic of the fabric is the selection of patterns ... and there is generally a tendency to the introduction of small decorated squares ...  There is considerable affinity between the character of the pot­tery finds at Ephesus and Miletus, so far as the scanty material f rom both sites enables us to make a comparison».

Voir également la description de la fig. 341, n° 9, p. 344.

 

XVII

 

            La fabrique de Phocée (p. 351). - Nous tenons à préciser que les fragments (provenant de Phocée) publiés par Jacobsthal et Neuffer, Gallia Graeca, fig. 6, sont tous courants à Histria-sauf a et b. Il en est de même pour la fig. 7 tout entière. Quant aux frag­rnents trouvés à Marseille et attribués par les mêmes auteurs à la fabrique de Phocée (Vasseur, pl VII, n_os 4 à 8, J.O, 12), ils se rencontrent également à Histria, sauf les n_os 1, 3, 13, 14 (ib.) qui, seuls dans l'ensemble des figures de l'ouvrage, appartiennent a une fabrique dont nous n'avons pas encore trouvé d'exemplaires aE Histria. Les autres fragments de Marseille sont identiques non seulement par la forme mais aussi par la couleur, et à ce point de vue le livre de Vasseur est un complément précieux au présent travail, puisque les planches en couleurs représentent d'une manière suffisamment exacte des fragments identiques aux nôtres et que nous n'avons pu reproduire en couleur.

 

XVIII

 

            Description des planches.

I.                     Grande amphore ionienne à engobe blanc et à décor rouge ; reconstituée, à l'aide du fragment de la fig. 62, d'après un vase du Louvre et un vase de Montpellier. Voir p. 124. En couleurs.

II.                   Calice de style naucratite, reconstitué approximativement d'après trois fragments. Il est probable que la tête du sphinx por­tait le ruban flottant qui est si caractéristique dans la fig. 238, également reconstituée. Voir chap. IX, Description, p. 301, n° 1. En noir.

III.                  Phiale naucratite d'après une aquarelle en couleurs ; l'in­térieur brun clair, blanc et rouge; l'extérieur blanc à filets jaune orange. Voir p. 305, n° 12. Aspect réel beaucoup plus clair que celui de la planche.

IV.               Amphore de Fikellura. La reconstitution de l'embouchure est faite d'après un fragment trouvé au même endroit et qui pourrait appartenir au vase, sans certitude toutefois. Voir chap. X, Description, p. 317, n° 1. En couleurs.

V.                 Amphore de Fikellura. Le col, les anses, l'épaule, trois zones de la panse, sont donnés ; la reconstitution du bas de la anse n'est que probable. Voir chap. X, Description, p. 318, n° 2. En couleurs.

VI.               Œnochoé du style de Fikellura exécutée d'après une aqua­relle en couleurs. L'ensemble du décor, d'un ton brun rouge sur fond ivoire. Reconstituée en s'inspirant d'une oenochoé du Louvre. Voir chap. X, Description, p. 331, n° 17. En noir.

VII.              Fragments divers.

            Les nos de 1 à 4 appartiennent à la technique à la brosse:

1.                              Fond de skyphos. Voir chap. VI, Description, p. 140, n° 2.

2.                              Fragment d'amphore. Voir chap. VI, Description, p. 141, n° 4.

3.                              Idem. Voir chap. VI, Description, p. 1! 1, n° 5.

4.                              Idem. Voir chap. VI, Description, p. 141, n° 3.

5.                              Fragment de l'œnochoé reconstituée à la fig. 125. Voir chap. VI, Description, p. 17h, n° 29.

6.                              Fragment de phiale à omphalos. Voir chap. IX, Description, p. 307, n° 14.

7.                              Œnochoé à bouche ronde. Décor rouge sur fond blanc. Voir chap. IX, Description, p. 309, n° 18.

8.                              Fragment de phiale à omphalos. L'ensemble est reconstitué à la fig. 297. Voir chap. IX, p. 300, n° 13.

9.                              Coupe d'une embouchure et d'un col d'amphore du type B, montrant I'argile grise à bords rouges. Voir chap. VI, p. 114, fig. 77.

10.                         Intérieur et profil d'une coupe camiréenne (?). Épaule et dos d'un bovidé. Voir chap. VIII, Description, p. 281, n° 58.

11.                         11. Fragment d'œnochoé du style de Fikellura. Voir chap. X, Description, p. 326, n° 9,

 

XIX

 

            Fragment au serpent (cf. p. 34). - Nous devons revenir ici sur l'incertitude qui demeure en ce qui concerne la date de ce fragment. Ni le motif, ni la teclnique n'offrent un critérium suffisant. Les bandes horizontales en relief remontent à une haute antiquité (cf. p. 32) ; mais elles rencontrent un renouveau de faveur à l'époque romaine. Le motif du serpent sur les vases, est un de ceux dont l'ancienneté n'est plus à prouver (cf. F. Courby, Les vases grecs à reliefs, p. 23 et suiv.). Mais on le trouve également au second siècle de notre ère, où il est peut­être en relation avec le culte de Mithra (voir à ce sujet E. Swoboda, Die Schlange im Mithraskult, dans Jahreshejte, XXX, 1936, p. 1). Si l'aspect de notre fragment incite à le considérer comme ar­chaïque plutôt que d'époque romaine, l'impossibilité où nous sommes de reconstituer la forme du vase auquel iI appartenait laissera toujours subsister un doute.


 

XX

 

            Les vers d'Homère (p. 1). - Ce n'est pas pour le vain pla de citer Homèee que nous avons placé au début du livre passage de l'Iliade. Bien qu'il s'agisse du Caystre, la descript était certainement valable pour le Méandre, le fleuve des Milétiens. De plus, elle s'applique parfaitement aux bras du Danube proches d' Histria. La rappeler ici c'est rendre plus sensibles certaines similitudes qui ont du être chères aux Grecs transplantés d' Histria. Ces «peuples volants» dont parle le poète: oies sauvages grues  «cygnes au long cou» : cette oie de vivre ce bruisement d'ailes, ces cris stridents, tout cela nous le retrouvons encore parmi les îlots de roseaux qui au Nord d' Histria annonccent le Danube.

            Si le rivage d' Histria a changé, les abords du Danube, restés sensiblement les mêmes, offraient déjà au VIIe siècle le mêmes spectacle non loin de la ville.